Avril au Portugal
« Il n’y a guère d’homme au monde, qui se transformant en coquin pour mille thalers, n’eût préférer rester honnête homme pour la moitié de la somme. »
Lichtenberg.
L’après-midi du 8 juin 1971, trois individus se sont présentés rue de Grenelle, chez M. Julien Gracq. L’écrivain ouvrit lui-même, et se vit tout de suite barbouillé la gueule du contenu d’un pot métallique que lui apportaient ses visiteurs. Recul instinctif, suivi d’un cri d’ahurissement. Oui, c’était de la merde, stricto sensu.
En partant, ils ont laissé en guise de carte de visite cette simple phrase :
« De la part de nos amis du Portugal – Coimbra ! »
Le 25 mars 1971 en effet, à Coimbra, l’écrivain français Julien Gracq, « compagnon de route » du surréalisme, faisait une conférence intitulée « Le surréalisme après la guerre – la postérité du surréalisme ». Trop littérateur pour assumer les propos subversifs du surréalisme, et pas assez révolutionnaire pour dépasser les limites de ses moyens artistiques particuliers, Julien Gracq, « honnête homme » dans la décomposition culturelle contemporaine (il avait jadis refusé le Goncourt, s’il ne refuse pas aujourd’hui d’exporter Breton chez Caetano, pour le compte de Pompidou), s’il en était un, n’aurait certainement pas été gêné par l’intervention quelque peu insolente d’un groupe de jeunes gens — issus eux du surréalisme —, venus exprès afin d’empêcher le déroulement de cette scandaleuse conférence. Ainsi l’ont-ils fait, à l’aide de quelques injures appropriées, fiancées bien sûr, à des mots d’ordre qui en disaient long sur l’état d’esprit qui les animait :
« DÉPASSEMENT DE L’ART ! »,
« NOTRE ÉPOQUE N’A PLUS À ÉCRIRE DES CONSIGNES POÉTIQUES,
MAIS À LES EXÉCUTER ! »
En allant au Portugal donner un cycle de conférences payées par l’Alliance Française, ce littérateur pour petites gens en mal de « merveilleux » a certainement pensé être suffisamment loin de la décomposition culturelle contemporaine, et pouvoir étaler chez l’indigène la marchandise culturelle surréaliste ; en fait, il n’en a été que trop près. Il n’était pas trop tôt pour l’en persuader ; comme il était effectivement trop tard pour réchauffer et mettre à la mode (ce qui se fait de toute façon contre lui-même) un courant qui, dans l’ambiance culturelle portugaise d’il y a vingt ans, avait été réellement d’avant-garde. En négligeant le rôle unificateur mondial du spectacle moderne, Julien Gracq a sous-estimé, dans un pays dit « sous-développé », le poids de sa négation modernisée.
Une plainte a été déposée par le Consulat Français et par l’Alliance Française, pour « injures envers un citoyen français », « atteinte à la moralité publique » et « insultes à la France » (la conférence avait été interrompue avec le cri surréaliste des années vingt : « À BAS LA FRANCE, À BAS L’OCCIDENT ! », la présence de quelques sœurs dans l’enceinte ayant favorisé quelques propos iconoclastes). Plusieurs jeunes gens, identifiés, ont alors été convoqués à la Police ; dans les jours suivants leur dossier est passé à la D.G.S. (police politique, ex-P.I.D.E.). Les plus compromis d’entre eux ont alors été obligés de passer à l’étranger clandestinement.
Julien Gracq aurait pu faire retirer cette plainte. Mais il a été tout heureux d’être défendu, d’avoir sa revanche ; et il a continué sa tournée, à coups d’interviews dans les quotidiens du Portugal. Sa bonne conscience s’est ainsi faite solidaire de la répression, notamment culturelle, dans un pays dont tout le monde connaît bien les traditions policières. Il n’a pas joué du Wagner dans un camp de concentration, c’est vrai. Peut-être parce qu’il n’aime pas Wagner. Il a tout simplement montré visiblement sa mesure, sous le couvre-feu culturel et politique de la libération Caetaniste, c’est-à-dire, de la spécificité régionale de la société moderne, marchande et spectaculaire.
Maintenant, il dévore sa merde en silence.
Juin 1971
Abril em Portugal
« Nao há nenhum homem no mundo, que tendo-se transformado num patife por mil taleres, nao tivesse preferido ficar homem honesto por metada da soma. »
Lichtenberg.
Na tarde do dia 8 de Junho de 1971, três individuos apresentaram-se na rua de Grenelle, em casa do Sr. Julien Gracq. Foi o próprio escritor a abrir, e encontrou-se imediatamente com a tromba besuntada com o conteúdo dum recipiente metálico que os visitantes lhe traziam. Recuo instinctivo, seguido dum grito de pasmo. Era merda, stricto sensu.
Ao partir, deixarem à laia de carta de visita esta simples frase :
« Da parte dos nossos amigos de Portugal – Coimbra ! »
Efectivamente, a 25 de Março de 1971, em Coimbra, o escritor francês Julien Gracq, « compagnon de route » do surrealismo, proferia uma conferência intitulada « O surrealismo no apôs-guerra – a posteridade do surrealismo ». Demasiado literato para assumir os propósitos subversivos do surrealismo e demasiado pouco revolucionário para superar os limites dos seus meios artisticos particulares, Julien Gracq, « honesto homem » na decomposiçao cultural contemporânea (recusou em tempos o Goncourt, mesmo se nao recusa hoje exportar Breton para Caetano, por conta de Pompidou), se ele o fosse, nao teria certamente ficado embaraçado pela intervençao algo pouco insolente dum groupo de jovens — eles sim, saidos do surrealismo —, vindos propositadamente impedir o desenrolar desta escandalosa conferência. Assim o fizeram com a ajuda de algumas injúrias apropriadas, evidentemente aliadas a palavras de ordem bem significativas quanto no estado de espirito que os animava :
« SUPERÇAO DA ARTE ! »,
« A NOSSA EPOCA JÁ NAO TEM A ESCREVER CONSIGNAS POÊTICAS,
MAS A EXECUTÁ-LAS ! »
Ao ir a Portugal dar um ciclo de conferências pagas pela Alliance Française, este literato para mangas de alpaca doentes de « maravilhoso », certamente pensou estar suficientement longe da decomposiçao cultural contemporânea, e poder apresentar ao indigena a mercadoria cultural surrealista ; na realidade, ele estava bem perto. Nao era demasiado cedo para de tal o convencer ; como era efectivamente demasiado tarde para reaquecer e pôr à moda (o que de qualquer maneira se faz contra ele próprio) uma corrente que no ambiente cultural português de há vinte anos, tinha sido realmente de vanguarda. Ao negligenciar o papel unificador mundial do espetáculo moderno, Julien Gracq substimou num pais dito « sub-desenvolvido », o pêso da sua negaçao modernizada.
Uma queixa foi depositada pelo Consulado Francês e pela Alliance Française, por « injúrias a um cidadao francês », « atentado à moral pública » e « insultos à França » (a conferência tinha sido interrompida com o grito surrealista dos anos vinte : « ABAIXO A FRANÇA, ABAIXO O OCIDENTE ! », tendo a presença de algumas freiras no recinto, favorecido alguns propositos iconoclastas). Vários jovens identificados foram entao convocados à Policia ; nos dias seguintes o seu dossier passou à D.G.S. Os mais comprometidos de entre eles foram entao obrigados a passar ao estrangeiro clandestinamente.
Julien Gracq teria podido retirar esta queixa. Mas ficou contentissimo de ser defendido, de ter a sua desforra ; e continuou a sua tournée, a grande reforço de entrevistas para os quotidianos de Portugal. A sua boa consciência tornou-se assim solidária da repressao, nomeadamente cultural, num pais de que toda a gente conhece bem as tradiçoes policiais. Ele nao tocou Wagner num campo de concentraçao, é verdade. Talvez porque nao goste de Wagner. Muito simplesmente mostrou visivelmente o que valia, sob o couvre-feu cultural e politico da liberalizaçao Caetanista, isto é, da espicificidade regional da sociedade moderne, mercantil e espectacular.
Agora, devora a sua merda em silêncio.
Junho de 1971