Sur le hasard (23 mai 1957)

« Par contre [Asger Jorn] a trouvé très bien mon texte destiné à ta monographie. Cela s’explique. Il ne souhaite plus tellement te faire plaisir, il espère plutôt que tu seras mécontent de moi (puisque dans ce texte je parle du jeu, et pas de ta peinture). »

Lettre de Guy Debord à Piero Simondo, 18 juin 1957.


Sur le hasard

1. On ne peut pas réduire le hasard. On peut connaître, pour des conditions existantes, toutes les possibilités limitées du hasard (statistiques).

2. Dans des conditions connues, le rôle du hasard est conservateur. Ainsi, les jeux de hasard ne laissent place à aucune nouveauté. De même, les tireuses de cartes jouent sur le très petit nombre de hasards qui peuvent se manifester dans la vie personnelle. Elles « prévoient » souvent les événements, dans la mesure où une vie individuelle moyenne est d’une aussi grande pauvreté que les quelques variantes classiques de leurs prédictions.

3. Tout progrès, toute création est l’organisation de nouvelles conditions du hasard.

4. À ce niveau supérieur, le hasard est réellement imprévisible — amusant — pendant un certain temps : mais le nouveau champ du hasard fixe à son action d’autres limites, qui en viendront à être étudiées et connues précisément.

5. L’homme ne désire jamais le hasard en tant que tel. Il désire plus ; et attend du hasard la rencontre de ce qu’il désire. C’est une situation passive et réactionnaire (la mystification surréaliste) si elle n’est pas corrigée par une invention de conditions concrètes déterminant le mouvement de hasards désirables.

 

Notes inédites destinées à une monographie de Piero Simondo qui n’a pas paru, rédigées par Guy Debord le 23 mai 1957.


– Guy Debord, Œuvres, Quarto, Paris, 2006, p.296 –
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