« En janvier, à Munich, une déclaration commune des sections allemande et suédoise de l’I.S., L’avant-garde est inacceptable, a été publiée à l’occasion d’une manifestation culturelle moderniste que nos camarades vinrent perturber. Ce texte, signé par Kunzelmann, Prem, Sturm et Zimmer d’une part ; Steffan Larsson, K. Lindell et J. Nash d’autre part, et jeté en tracts dans le public, rappelait que “si une avant-garde met en cause l’importance même de la vie, et cherche à réaliser ses revendications sur ce terrain, elle se voit séparée de toutes les possibilités sociales. Les sous-produits esthétiques de l’avant-garde, comme les tableaux, les films, les poèmes, etc. — sont tout de suite désirés, mais ils sont sans effet. Ce qui n’est pas acceptable, c’est le programme d’une formation entièrement nouvelle des conditions de vie, lequel va changer la société à la base” .»
« Renseignements situationnistes », Internationale situationniste n° 6, août 1961.
Avantgarde ist unerwünscht!
(Flugblatt der Situationistischen Internationale)
1. Die heutige Avantgarde, die nicht geltende Mystifikationen wiederholt, ist gesellschaftlich unterdrückt. Die Bewegung, die von der Gesellschaft erwünscht ist, kann von ihr aufgekauft werden: das ist die Pseudoavantgarde.
2. Wer neue Werte schafft, dem erscheint das heutige Leben als Illusion und Fragment. Wenn die Avantgarde die Frage nach der Bedeutung des Lebens stellt, aber unzufrieden damit, ihre Folgerungen verwirklichen will, sieht sie sich von allen Möglichkeiten abgeschnitten und von der Gesellschaft abgekapselt.
3. Die ästhetischen Abfälle der Avantgarde wie Bilder, Filme, Gedichte usw. sind bereits erwünscht und wirkungslos; unerwünscht ist das Programm der völligen Neugestaltung der Lebensbedingungen, das die Gesellschaft in ihren Grundlagen verändert.
4. Nachdem man die Produkte der Avantgarde ästhetisch neutralisiert auf den Markt gebracht hat, will man nun ihre Forderungen, die nach wie vor auf eine Verwirklichung im gesamten Bereich des Lebens abzielen, aufteilen, zerreden und auf tote Gleise abschieben. Im Namen der früheren und jetzigen Avantgarde und aller vereinzelten, unzufriedenen Künstler protestieren wir gegen diese kulturelle Leichenfledderei und rufen alle schöpferischen Kräfte zum Boykott solcher Diskussionen auf.
5. Die moderne Kultur ist substanzlos, sie besitzt keinerlei Kraft, die sich den Beschlüssen der Avantgarde wirklich widersetzen könnte.
6. Wir, die neue Werte schaffen, werden von den Hütern der Kultur nicht mehr lauthals bekämpft, sondern auf spezialisierte Bereiche festgelegt, und unsere Forderungen werden lächerlich gemacht.
7. Darin sollen die Künstler die Rolle der früheren Hofnarren übernehmen, von der Gesellschaft bezahlt, ihr eine bestimmte kulturelle Freiheit vorzuspiegeln.
8. Der gesellschaftliche Dünkel will der Avantgarde ein Niveau vorschreiben, das sie nicht verlassen darf, wenn sie gesellschaftsfähig bleiben will.
9. Die Existenz des Künstlers ist das Ferment zur Metamorphose unserer absterbenden europäischen Kultur, einem Prozeß, der nicht aufzuhalten, sondern zu beschleunigen ist.
10. Die europäische Kultur ist ein krankes, altes, schwangeres Weib, das sterben wird. Sollen wir den absolut aussichtslosen Versuch unternehmen, die Mutter zu retten — oder soll das Kind leben? — Die Restaurativen wollen noch die Mutter retten — und töten damit auch das Kind. Die Avantgarde hat sich entschieden: die Mutter muß sterben, damit das Kind leben kann!
11. Die Avantgarde von gestern ist comme il faut. Die künstlerische Linksfront ist heute ein Wahrheitsproblem: „Eine Wahrheit wird nur 10 Jahre alt“. (Ibsen)
12. Künstler und Intellektuelle: unterstützt die situationistische Bewegung, denn sie jagt keinen Utopien nach, sondern ist die einzige Bewegung, die den gegenwärtigen kulturellen Zustand aufhebt.
13. Die Aufgabe der Avantgarde besteht einzig und allein darin, ihre Anerkennung zu erzwingen, ehe ihre Disziplin und ihr Programm verwässert worden sind. Das ist es, was die Situationistische Internationale zu tun gedenkt.
Herausgegeben von der Gruppe Spur als deutsche Sektion der Situationistischen Internationale: Sturm – Prem – Fischer – Kunzelmann – Zimmer;
der skandinavischen Sektion: Steffan Larsson – Asger Jorn – Jørgen Nash – Katja Lindell;
und der belgischen Sektion: Maurice Wyckaert
München, Januar 1961
L’avant-garde est inacceptable !
(Tract de l’Internationale situationniste)
1. L’avant-garde actuelle, celle qui ne répète pas les mystifications à la mode, est socialement réprimée. Le mouvement qui est désiré par la société, c’est celui qu’elle peut acheter : la pseudo-avant-garde.
2. Au créateur de valeurs nouvelles, la vie actuelle apparaît comme illusion et comme fragment. Si une avant-garde pose la question du sens même de la vie et cherche à réaliser ses revendications sur ce terrain, elle se voit séparée de toutes les possibilités sociales.
3. Les sous-produits esthétiques de l’avant-garde, comme les tableaux, les films, les poèmes, etc., sont tout de suite désirés, mais ils sont sans effet. Ce qui n’est pas acceptable, c’est le programme d’une formation entièrement nouvelle des conditions de vie, lequel va changer la société à la base.
4. Après avoir mis sur le marché les produits esthétiquement neutralisés de l’avant-garde, on veut maintenant démembrer, diluer, pousser sur une voie de garage ses revendications qui visent à une réalisation dans le domaine global de la vie. Au nom des avant-gardes présentes, et passées, et de tous les artistes isolés et insatisfaits, nous protestons contre ce pillage culturel et nous appelons toutes les forces créatrices à boycotter de telles discussions.
5. La culture moderne est privée de substance et ne dispose d’aucune force qui pourrait réellement s’opposer aux décisions de l’avant-garde.
6. Nous qui créons les valeurs nouvelles ne sommes plus combattus à grands cris par les gardiens de la culture, mais relégués dans des domaines spécialisés, et nos revendications sont tournées en ridicule.
7. Les artistes doivent jouer le rôle des bouffons d’autrefois, payés par la société, pour lui donner l’illusion d’une certaine liberté culturelle.
8. La société, dans sa fatuité, entend prescrire à l’avant-garde un niveau que celle-ci ne doit pas quitter si elle veut rester dans les normes de ce qui est socialement admis.
9. L’existence des artistes est le ferment de transformation de notre culture européenne décadente, décadence qu’on ne doit pas freiner mais qu’on doit au contraire accélérer.
10. La culture européenne est une vieille femme malade et enceinte sur le point de mourir. Faut-il tenter, alors que c’est absolument désespéré, de sauver la mère — ou laisser vivre l’enfant ? Les conservateurs veulent encore sauver la mère — et par là tuent l’enfant. L’avant-garde a décidé : la mère doit mourir pour que l’enfant puisse vivre !
11. L’avant-garde d’hier est comme il faut [En français dans le texte —NdT]. Le front artistique de gauche est un problème de vérité : « Une vérité meurt au bout de dix ans » (Ibsen).
12. Artistes et intellectuels : soutenez le mouvement situationniste, parce qu’il ne court pas après une utopie et que c’est le seul mouvement qui dépasse la culture actuelle.
13. Le devoir de l’avant-garde est d’imposer sa reconnaissance, avant que sa discipline et son programme soient édulcorés. C’est là ce que veut faire l’Internationale situationniste.
Édité par le groupe Spur, section allemande de l’Internationale situationniste : Sturm – Prem – Fischer – Kunzelmann – Zimmer ;
par la section scandinave : Steffan Larsson – Asger Jorn – Jørgen Nash – Katja Lindell;
et par la section belge : Maurice Wyckaert
Munich, janvier 1961
Déclaration diffusée au théâtre Münchener Kammerspiele en janvier 1961, lors d’une manifestation culturelle moderniste.